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Un demandeur d'asile malgré lui, par Maitre Samy DJEMAOUN, avocat Paris 17.



Récit d'un cas de droit d'asile complexe traité par Maître Djemaoun, où un résident non-ukrainien en Ukraine obtient la protection subsidiaire en France après des défis juridiques

Illustration d'une situation kafkaïenne en droit d'asile (Dublin).


Mon client travaille en Ukraine (entré depuis plus de 10 ans, il y a fait ses études). Il n'est pas de nationalité ukrainienne mais y réside régulièrement. La guerre éclate et il fuit l'Ukraine.


Il entre par la Hongrie à titre humanitaire et franchit donc régulièrement les frontières de l'UE. Il ne demande pas l'asile en Hongrie.


Il arrive en France. Le préfet du Val-d’Oise saisit les autorités hongroises d’une demande de reprise en charge de mon client sur le fondement du point b) de l’article 18-1 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 après avoir constaté que ses empreintes ont été enregistrées en catégorie 1 (demandeur d'asile).


En réponse à cette demande, le 8 avril 2022, les autorités hongroises ont expressément reconnu que les empreintes de mon client avaient été enregistrées à tort dans le fichier « Eurodac » en catégorie 1, dès lors qu’aucune demande de protection internationale n’avait été introduite, la Hongrie précisant également prendre les mesures nécessaires à l’effacement de cet enregistrement erroné. Plus encore, la Hongrie précise qu'il a été autorisé à entrer sur le territoire hongrois, conformément à des dispositions législatives nationales relatives à l’admission et au droit de résidence des ressortissants de pays tiers pour des raisons humanitaires. 


La France non satisfaite de cette réponse, insiste auprès de la Hongrie pour qu'il soit repris en charge.


La Hongrie accepte à titre dérogatoire mais rappelle que mon client n'a ni irrégulièrement franchi les frontières de l'UE ni demandé de l'asile.


Le préfet du Val-d'Oise édicte donc un arrêté de transfert de mon client vers la Hongrie.

Je saisis le tribunal administratif de Cergy-Pontoise dans les intérêts de mon client en faisant valoir :


1) qu'il n'a pas franchi irrégulièrement les frontières hongroises ;

2) qu'il a été autorisé à entrer sur le territoire hongrois, à titre humanitaire ;

3) qu'il n'a jamais demandé l'asile en Hongrie.


Conséquence : la France ne pouvait pas le transférer en Hongrie.

 

La magistrate désignée du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté de transfert sous l'angle de l'erreur de droit :


« 7. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Val-d’Oise a saisi les autorités hongroises, le 1er avril 2022, d’une demande de reprise en charge de M. A. sur le fondement du point b) de l’article 18-1 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 après avoir constaté, sur la base de la consultation du fichier « Eurodac », que les empreintes de l’intéressé avaient été enregistrées le 1er mars 2022 en Hongrie en catégorie 1, soit en qualité de demandeur d’asile. En réponse à cette demande, le 8 avril 2022, les autorités hongroises ont expressément reconnu que les empreintes de M. A. avaient été enregistrées à tort dans le fichier « Eurodac » en catégorie 1, dès lors qu’aucune demande de protection internationale n’avait été introduite, la Hongrie précisant également prendre les mesures nécessaires à l’effacement de cet enregistrement erroné. Il ressort de ce même courrier que M. A. n’a pas franchi irrégulièrement les frontières de cet Etat depuis un pays tiers, mais a été autorisé à entrer sur le territoire hongrois, conformément à des dispositions législatives nationales relatives à l’admission et au droit de résidence des ressortissants de pays tiers pour des raisons humanitaires. En conséquence, les autorités hongroises ont expressément indiqué que la demande d’asile de M. A. ne relevait pas de la responsabilité de l’Etat hongrois. En réponse à une demande de réexamen de la situation de M. A. adressée le 29 avril 2022 par les autorités françaises aux autorités hongroises, ces autorités ont le 12 mai 2022, d’une part, confirmé les données factuelles tenant à son entrée régulière sur le territoire de cet Etat et à l’absence de dépôt d’une demande de protection internationale et, d’autre part, reconnu leur responsabilité à raison de son entrée sur le territoire de cet Etat pour des raisons humanitaires.


8. D’une part, il ressort de ce qui vient d’être exposé qu’en l’absence de demande d’asile enregistrée en Hongrie, le préfet du Val-d’Oise a commis une erreur de droit en décidant du transfert de M. A. sur le fondement des dispositions du point b) du paragraphe 1 de l’article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.


9. D’autre part, il résulte des énonciations des points 4 à 6, qu’il appartenait aux autorités françaises de déterminer l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile présentée par M. A. au regard des critères et suivant leur ordre d’examen lors du dépôt de la demande d’asile de l’intéressé présentée pour la première fois en France. Compte tenu des éléments relatifs à sa situation personnelle et dès lors que le requérant n’avait ni franchi irrégulièrement les frontières extérieures de la Hongrie en provenance de l’Ukraine, ni déposé de demande d’asile dans cet Etat, la France devait être regardée comme responsable de l’examen de sa demande en application des critères définis au chapitre III du règlement du 26 juin 2013 et de l’ordre d’examen de ces critères, la circonstance que M. A. ait pu être autorisé à entrer sur le territoire de la Hongrie pour des raisons humanitaires sur le fondement de dispositions législatives étrangères au règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, étant sans incidence sur la détermination de l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale.


10. Il résulte de ce qui précède que M. A. est fondé à demander l’annulation de l’arrêté du 24 juin 2022 par lequel le préfet du Val-d’Oise a prononcé son transfert aux autorités hongroises. »[1]


La France est donc devenue responsable de sa demande d'asile.


Mon client a obtenu, depuis, le bénéfice de la protection subsidiaire (destinée aux étrangers qui sont menacés de persécutions, sans toutefois entrer dans le cadre juridique défini par l’alinéa 2 de l’article 1er de la Convention de Genève).


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