Un préfet peut-il enregistrer en procédure Dublin une demande d'asile d'une personne qui a été précédemment dublinée mais non éloignée dans le délai de 6 mois tout en n'ayant pas été placée en fuite ?
La réponse est évidemment négative👇🏼.
Mon client, un homme seul très vulnérable à la rue, a déposé une demande d'asile le 31 juillet 2023, et a été placé en procédure Dublin.
Un arrêté de transfert a été édicté à son encontre le 4 septembre 2023 pour un transfert vers l'Espagne, avec une saisine des autorités espagnoles le même jour.
Par un jugement n° 2314344 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d’annulation de son arrêté de transfert.
Il a été convoqué le 4 janvier 2024 à 9h20 en préfecture puis le rendez-vous du 9 janvier 2024 à 14h30 a été annulé.
Le délai de 6 mois pour son transfert effectif vers l'Espagne ayant expiré le 19 avril 2024, mon client a déposé, le 6 mai 2024, une demande d’asile qui a été, de nouveau, placée en procédure Dublin.
Une intention de cessation des conditions matérielles d’accueil par l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a été opposée au motif qu’il aurait été transféré en Espagne et serait revenu.
Problème : aucune preuve de son transfert effectif n'existe pas plus qu'une preuve de son placement en fuite.
Or, l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoit que "Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant." Étant entendu que "Ce délai peut être porté (...) à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite (...) "[1].
Ainsi, dans le cadre d'un référé liberté, le juge des référés a tiré les conséquences des éléments précités et jugé que :
« Dès lors, étant donné que M. X n’était pas en situation de « fuite » au sens du Règlement de Dublin et l’arrêté de transfert n’ayant pas été exécuté dans le délai de six mois à compter du 19 octobre 2023, lorsque M. X a déposé sa seconde demande d’asile le 6 mai 2024, il était sous la responsabilité de l’Etat français et il s’en suit que sa demande n’aurait pas dû être enregistrée selon la procédure « Dublin » mais selon la procédure normale.
Il résulte de ce qui précède que le préfet de police a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de solliciter l’asile de M. X qui indique, sans être contredit, qu’il vit à la rue et se trouve dans une situation de particulière vulnérabilité. »
Le juge a ainsi enjoint au préfet de police d’enregistrer la demande d’asile de M. X en procédure normale et de le munir d’une attestation de demandeur d’asile dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'ordonnance.
[1] Le Conseil d’État juge qu’« Il résulte clairement de ces dispositions que le transfert vers l'Etat membre responsable peut avoir lieu pendant une période de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge et est susceptible d'être portée à dix-huit mois si l'intéressé " prend la fuite ", cette notion devant s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant. » (voir par ex : CE, 30 août 2021, n°455759)
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