« Il est vrai peut-être que les mots nous cachent davantage les choses invisibles qu'ils ne nous révèlent les visibles » A. CAMUS [1]
Le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le Code de la santé publique permet une « vérification de la concordance documentaire », généralisée à l’ensemble de la population, effectuée par des personnes non assermentées et encore moins formées, sur la base d’une appréciation contenant une dimension fondamentalement subjective, ce qui donnera inévitablement lieu à des abus évidents.
La transformation du pass sanitaire en pass vaccinal n’est pas qu’un "tour de passe-passe" sémantique : il porte gravement atteinte à nos droits et libertés fondamentaux. Le contrôle d’identité déguisé et l’obligation vaccinale qu’il crée sont pleinement contraires à ce qu’a jugé le Conseil constitutionnel le 5 août 2021.
Le projet va même plus loin : avoir son pass vaccinal ne suffira pas toujours puisqu’il pourra être imposé, en plus de ce pass, un test négatif pour des activités qui ne permettraient pas, par leur nature même, de garantir la mise en œuvre des gestes barrières.
Le Conseil constitutionnel, saisi le 17 janvier 2022, est le dernier rempart contre cette dérive sécuritaire. Il rendra sa décision le 21 janvier prochain.
Une jour avant sa décision, il est essentiel de faire un point juridique sur ce basculement sécuritaire menaçant gravement l’état de droit.
Tentative n°1 : l’épisode raté de la « vérification de la pièce d’identité »
Le « Kit de communication gouvernementale, déclinable pour toutes les manifestations » a fait son apparition en juin 2021 sur lequel il est toujours possible de lire : « toute preuve sanitaire doit être vérifiée simultanément avec un justificatif d’identité afin de s’assurer de la concordance de la preuve présentée au nom du participant. » [2] ou encore « toute preuve sanitaire doit être vérifiée simultanément avec une pièce d’identité. La vérification de la pièce d’identité est une étape obligatoire du contrôle sanitaire. » [3]
Problème : cette étape n’était non seulement pas obligatoire mais ne reposait sur aucun fondement légal de sorte que cette « vérification de la pièce d’identité » était tout simplement illégale.
Le 21 juillet 2021, à l’occasion d’un discours sur TF1, le Premier ministre affirmait : « ce qui a été décidé, c’est qu’on va désormais faire peser sur les responsables de ces établissements recevant du public (cafetiers, restaurateurs) la vérification que la personne a bien son passe sanitaire. En revanche, tout ce qui a trait à l’identité de la personne, ça, nous considérons qu’il ne s’agit pas de leur responsabilité, ce sera bien entendu dans le cadre des contrôles des forces de sécurité qui interviendront soit à leur appel soit de manière aléatoire dans le cadre de ce qu’on appelle des plans de contrôle. » [4]
C’est pourtant ce qui était/est toujours écrit (aucune modification n’a été faite) dans ce fameux « Kit de communication gouvernementale, déclinable pour toutes les manifestations » de juin 2021. [5]
Ainsi, en l’absence de toute base légale, des personnes se sont vu demander un document d’identité en plus de la présentation de leur pass sanitaire. Par exemple, la ville de Toulouse imposait jusqu’au 12 août 2021, pour entrer dans les lieux recevant du public, de présenter un pass sanitaire et une preuve d’identité. [6]
Prenant acte de l’illégalité d’une telle mesure, le B de l’article 1er du loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a prévu que la présentation du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 par des personnes âgées d'au moins douze ans « est réalisée sous une forme ne permettant pas aux personnes ou aux services autorisés à en assurer le contrôle d'en connaître la nature et ne s'accompagne d'une présentation de documents officiels d'identité que lorsque ceux-ci sont exigés par des agents des forces de l'ordre. »
À l’occasion de l’examen de la constitutionnalité du projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, le Conseil constitutionnel a expressément jugé que « le contrôle de la détention d'un des documents nécessaires pour accéder à un lieu, établissement, service ou événements ne peut être réalisé que par les forces de l'ordre ou par les exploitants de ces lieux, établissements, services ou événements. En outre, la présentation de ces documents est réalisée sous une forme ne permettant pas « d'en connaître la nature » et ne s'accompagne d'une présentation de documents d'identité que lorsque ceux-ci sont exigés par des agents des forces de l'ordre. » (Cons. const., 5 août 2021, n° 2021-824 DC, point 45).
La constitutionnalité du pass sanitaire était donc conditionnée à la circonstance qu’un document d’identité ne peut être exigé que par des agents des forces de l’ordre.
Tentative n°2 : le contrôle de la concordance documentaire
Dans le cadre du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, un amendement gouvernemental au dernier alinéa du B du II de l’article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 a été adopté et rédigé comme suit :
« La présentation des documents prévus au premier alinéa du présent B par les personnes mentionnées aux 2° et 3° du A du présent II est réalisée sous une forme ne permettant pas aux personnes ou aux services autorisés à en assurer le contrôle d’en connaître la nature. Lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que le document présenté n’est pas authentique ou ne se rattache pas à la personne qui le présente, il peut être procédé à une vérification de la concordance entre les éléments d’identité mentionnés sur ce document et ceux mentionnés sur un document officiel d’identité. » [7]
Ce texte a été modifié par la commission des lois du Sénat :
« – il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que le document présenté ne se rattache pas à la personne qui le présente, les personnes et services autorisés à en assurer le contrôle peuvent demander à la personne concernée de produire un document officiel comportant sa photographie afin de vérifier la concordance entre les éléments d’identité mentionnés sur ces documents. Les personnes et services autorisés dans le cadre du présent alinéa à demander la production d’un document officiel comportant la photographie de la personne ne sont pas autorisés à conserver ou à réutiliser ce document ou les informations qu’il contient, sous peine des sanctions prévues au dernier alinéa du E du présent II. » [8]
Cette disposition va donc directement à l’encontre de ce qu’a jugé le Conseil constitutionnel cet été (Cons. const., 5 août 2021, n° 2021-824 DC, point 45).
Donner la possibilité à toutes les entreprises publiques et privées d’effectuer une telle « vérification » pour entrer dans les lieux ou accéder à des services qui font parties du quotidien (restaurants, cafés, salles de cinéma ou de spectacle…) où sera exigé la présentation d'un « pass vaccinal » a pour effet de déléguer de manière généralisée et non contrôlée des pouvoirs de police à des personnes privées non assermentées, placées sous l’autorité d’aucun officier de police judiciaire de la police ou gendarmerie nationale, tout en mettant en place les conditions de l’arbitraire.
La nature juridique d’un tel contrôle : un contrôle d’identité déguisé
La rédaction est sibylline : il s’agit de vérifier la concordance entre les éléments d’identité mentionnés dans le document officiel comportant sa photographie. Il s’agit, a priori, d’un objet juridique non identifié puisqu’il ne correspond ni à la définition d’un contrôle d’identité, ni à celle d’un relevé d’identité et encore moins à celle d’une vérification d’identité.
Rappelons qu’un contrôle d’identité peut être de nature judiciaire si la demande faite à une personne de justifier, par tout moyen, de son identité est en lien avec une infraction [9] et de nature administrative s’il a pour objet de prévenir une atteinte à l’ordre public [10]. Seuls les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° du code de procédure pénale peuvent procéder à un contrôle d’identité, à l’exclusion des agents de police municipale.
Ensuite, un relevé d’identité ne peut être fait que par les agents de police judiciaire adjoints mentionnés au 1° bis, 1° ter, 1° quater et 2° de l'article 21 du code de procédure pénale. S’agissant des infractions à la police des services publics de transports terrestres, les agents assermentés de l'exploitant du service de transport ou les agents assermentés d'une entreprise de transport agissant pour le compte de l'exploitant, les agents assermentés missionnés des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent relever l’identité d’une personne « à défaut de paiement immédiat entre leurs mains » [11].
Enfin, une rétention aux fins de vérification d’identité n’est possible que dans le cas où la personne « refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité » [12] et s’exerce sous le contrôle du procureur de la République. La personne est présentée « immédiatement à un officier de police judiciaire », seul habilité à décider d'une telle mesure.
Quelle est donc la nature de cette vérification de la concordance entre les éléments d’identité mentionnés dans le document officiel comportant sa photographie ?
En réalité, il s’agit d’un contrôle d’identité qui ne dit pas son nom. En effet, le pass vaccinal – tout comme le pass sanitaire – révèle déjà l’identité d’une personne, de sorte qu’en exigeant, en plus un « document officiel comportant sa photographie », il s’agira d’un véritable contrôle d’identité déguisé.
Or, les personnes qui sont amenées à l’exercer n’ont pas la qualité requise pour procéder à un tel contrôle et l’objet de ce dernier n’est pas administratif et encore moins judiciaire.
En tout état de cause, en exigeant uniquement un tel document, il y a une restriction de la charge de la preuve dans la mesure où, lors d’un contrôle d’identité classique par les forces de l’ordre, la preuve se fait par tout moyen, y compris par le témoignage d'un tiers. En d’autres termes, un témoignage est possible devant policier pour justifier son identité mais ne le sera pas devant un restaurateur.
Ce n’est pas tout. Prenons un exemple.
Une personne va au restaurant. Elle n’a pas de « document officiel comportant sa photographie » ou refuse de le présenter. Que peut faire légalement le restaurateur ? Il n’est placé sous le contrôle d’aucun officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale. Il ne pourra donc pas lui en rendre compte.
Si le restaurateur appelle la police, peut-il retenir la personne en attendant l’arrivée des forces de l’ordre ? C’est impossible puisqu’il est interdit de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits, cette exigence constituant un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France [13].
Comparaison n’est pas raison : le sophisme
La circonstance que, pour un certain nombre de cas (jeux de hasard et d’argent, vente de produits de tabac, l’accès aux casinos, paiement par chèque, retrait d’un colis à La Poste, embarquement dans un avion civil), la loi prévoit que la personne est tenue de justifier son identité en dehors des cas précités, ne saurait conduire à la privatisation du contrôle d’identité, généralisé à l’ensemble de la population.
Dans toutes ces situations, la justification de l’identité d’une personne s’impose dans la mesure où il est obligatoire de connaître l’identité de celle-ci.
En effet, pour l’accès aux casinos, le contrôle d’identité se justifie non seulement parce que leur accès est interdit aux mineurs [14] mais aussi aux personnes inscrites sur le fichier des personnes interdites de jeux [15]. Le contrôle d’identité permet de vérifier le respect de ces interdictions.
Ainsi, contrairement à ces cas, l’entrée dans les lieux où le pass sanitaire/vaccinal est requis (restaurants, cafés, salles de cinéma ou spectacle, musées…) n’est soumise à aucune restriction qui justifierait de connaître l’identité la personne.
S’agissant de l’obligation de justifier de son identité pour un paiement par chèque, c’est l’article 12-2 du décret-loi du 30 octobre 1935 unifiant le droit en matière de chèques et relatif aux cartes de paiement (repris par l’article L. 131-15 du code monétaire et financier) qui a instauré le contrôle d’identité. Un chèque est, par définition, nominatif. Il engage une personne (l’émetteur ou le tireur) au paiement d’une somme d’argent à une autre (le bénéficiaire ou le porteur). L’identité est une garantie pour le bénéficiaire du chèque qui peut s’assurer qu’il s’agit bien de la personne qui remet le chèque. Une vérification auprès du fichier national des chèques irréguliers (FNCI) peut être faite. Si le bénéficiaire s'abstient d'exiger la pièce d'identité, il engage sa responsabilité à l'égard du titulaire du compte dont le chéquier aurait éventuellement été volé.
De même, il est nécessaire de présenter un document d’identité pour retirer un colis à La Poste puisque le colis est également nominatif. Sans ce contrôle, toute personne pourrait retirer un colis en usurpant l’identité d’une autre.
Enfin, lorsqu’une personne embarque dans un avion, il est évident que la justification d’identité répond à un objectif de sécurité publique.
Contrairement à ces trois cas, l’entrée dans les lieux où le pass sanitaire/vaccinal est requis (restaurants, cafés, salles de cinéma ou spectacle, musées…) ne nécessite pas de connaître l’identité la personne. Autrement dit, l'absence de connaissance de l'identité d'une personne entrant dans un café n'emporte aucune conséquence, contrairement à ce qui peut se passer pour les chèques, colis et avions. En tout état de cause, le nom et le prénom de la personne s'affichent déjà lors du contrôle du pass.
Une mesure non nécessaire ni proportionnée au regard de l’objectif de protection de la santé publique
Tout d’abord, des sanctions sont déjà prévues en cas de présentation d’un faux pass sanitaire, d’un pass appartenant à une autre personne ou d’un document frauduleux attestant du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 [16]. Le projet de loi renforce même ces sanctions : c’est une contravention de cinquième classe, soit 1 500 euros ou 1 000 euros si l’amende est forfaitisée, contre 135 euros aujourd’hui qui est prévue en cas de présentation d’un pass appartenant à une autre personne ou de transmission d’un pass authentique à des fins frauduleuses. De plus, la détention, l’usage ou la vente d’un faux pass seront punis de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Existent également des mesures telles que les fermetures administratives, l’imposition du port du masque, l’interdiction de rassemblement, les jauges…
L’absence de questionnement sur l’arsenal juridique déjà à disposition est devenue une coutume politique. L’inflation législative est, quant à elle, légion.
Ensuite, aucun critère objectif n’est indiqué quant à l’appréciation de ces « raisons sérieuses de penser que le document présenté ne se rattache pas à la personne qui le présente » – contenant une dimension fondamentalement subjective – ce qui donnera inévitablement lieu à des abus évidents.
La Défenseure des droits faisait part de « ses inquiétudes concernant le choix de confier à des entreprises publiques et privées une forme de pouvoir de police quant au contrôle du passe vaccinal qui vise l’ensemble de la population qui souhaiterait accéder à un ensemble de biens et services et d’activité de la vie quotidienne.
Si l’objectif des dispositions est de lutter contre la fraude, d’une part, la Défenseure des droits n’est pas convaincue qu’un tel dispositif confié au libre arbitre de personnes privées non formées à cette fin permette de le poursuivre et soi efficace, d’autre part, elle est d’avis que ce contrôle devrait relever de la responsabilité des autorités publiques, notamment des forces de sécurité, compte tenu de l’objectif poursuivi et des risques inhérents à l’exercice d’une telle prérogative. » [17]
Ainsi, cette vérification de la concordance documentaire peut être pratiquée par n’importe quelle personne, n’est limitée ni géographiquement ni temporellement et est manifestement disproportionnée par rapport à l'objectif de protection de la santé publique.
Dans ces conditions, de telles vérifications seront susceptibles de donner lieu à des discriminations (notamment en raison des origines ou de l’apparence physique), méconnaissant ainsi le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les principes d'égalité et de non-discrimination garantis par l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux ainsi que par les stipulations de la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
À ce titre, le Conseil constitutionnel a très clairement jugé que « la pratique de contrôles d'identité généralisés et discrétionnaires serait incompatible avec le respect de la liberté individuelle. »[18]
L’atteinte à la liberté d'aller et venir, au droit au respect de la vie privée, au principe d’égalité est pleinement caractérisée et n’est ni nécessaire ni proportionnée au regard d’un objectif de protection de santé publique.
Fort heureusement pour l’état de droit, lors du scrutin n°71 de la séance du 11 janvier 2022 au Sénat, 10 amendements relatifs à l’article 1er du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, qui proposaient la suppression pure et simple de la possibilité de ce contrôle d’identité qui ne dit pas son nom, avaient été adoptés (les amendements de suppression avaient recueilli 303 voix pour et 37 contre). [19]
L’absence d’accord lors de la commission mixte paritaire le 13 janvier 2022 [20] a eu pour effet de renvoyer le texte à la commission des lois de l’Assemblée nationale.
Malheureusement, quelques heures auront suffi, pour que la commission de lois de l’Assemblée nationale rétablisse la possibilité pour les personnes chargées de contrôler le pass vaccinal de vérifier la concordance documentaire.
Le 16 janvier 2022 (3 jours après – la pression gouvernementale est palpable), l’Assemblée nationale a définitivement adopté le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique.
Propos conclusifs : la question de la constitutionnalité du pass vaccinal
Pour finir, il sera rappelé que la constitutionnalité du pass sanitaire était conditionnée à la circonstance que « les obligations imposées au public peuvent être satisfaites par la présentation aussi bien d'un justificatif de statut vaccinal, du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination ou d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination. » et d’ajouter : « Ainsi, ces dispositions n'instaurent, en tout état de cause, ni obligation de soin ni obligation de vaccination. » (Cons. const., 5 août 2021, n° 2021-824 DC, point 45).
Or, le pass vaccinal prévoit que la présentation d’un test virologique négatif de moins de vingt-quatre heures ou d’un certificat de rétablissement du Covid-19 de moins de six mois ne permettra plus l’accès aux lieux dans lesquels le pass est obligatoire de sorte que, de l’aveu même du gouvernement, il s’agira d’une obligation de vaccination déguisée.
Le Sénat avait modifié ce point : le pass vaccinal ne pourra être imposé que lorsque le nombre d’hospitalisations liées au covid-19 sera supérieur à 10 000 patients sur le plan national. En dessous de ce seuil, il pourra être imposé seulement dans les départements où moins de 80 % de la population dispose d’un schéma vaccinal complet ou dans lesquels une circulation active du virus, mesurée par un taux d’incidence élevé de la maladie, est constatée.
Cependant, l'Assemblée nationale a rétabli la possibilité de demander, en plus du pass vaccinal, un "document officiel comportant sa photographie" et a supprimé la possibilité de ne pas imposer le pass vaccinal lorsque le nombre d’hospitalisations liées au covid-19 sera supérieur à 10 000 patients sur le plan national.
De plus, avoir son pass vaccinal ne suffira pas toujours : il pourra être imposé, en plus de ce pass, un test négatif pour des activités qui ne permettraient pas, par leur nature même, de garantir la mise en œuvre des gestes barrières.
N’oublions pas que le pass sanitaire – qui constitue déjà un contrôle – était censé durer jusqu’au 15 novembre 2021… Avec le pass vaccinal, l’échéance est reportée au 31 juillet 2022 ! La pérennisation des mesures propres à un état d’urgence donné met gravement en danger nos droits et libertés fondamentaux. Les gouvernement successifs semblent s’en indifférer.
Le Conseil constitutionnel, saisi le 17 janvier 2022, est le dernier rempart contre la dérive sécuritaire du gouvernement. Sa décision devrait être rendue le 21 janvier prochain.
L’état de droit n’en a pas fini d’être fragilisé. Espérons que ses gardes ne deviennent pas fous.
Le cabinet DJEMAOUN AVOCAT est dédié à la défense des droits et libertés fondamentaux.
[1] Préface d’Albert CAMUS aux Poésies posthumes de René LEYNAUD, Gallimard (1947)
[2] À l’écriture de ces lignes, le kit est encore téléchargeable : https://www.culture.gouv.fr/Regions/DRAC-Nouvelle-Aquitaine/Actualites/FAQ-Pass-sanitaire-pour-les-professionnels-2021, page 8
[3] Ibid., page 22
[4] https://www.youtube.com/watch?v=83XOinOywew : à partir de 45 secondes
[5] Kit précité, pages 8, 9, 15, 16, 22 et 25
[6] https://www.liberation.fr/checknews/pass-sanitaire-la-ville-de-toulouse-enfreint-elle-la-loi-en-demandant-un-justificatif-didentite-en-plus-du-certificat-20210811_VIDSZ75TQNHJBMHJ2XH6LVCYMU/
[9] Articles 78-2, al. 1er à 7, 78-2-1, article 78-2-2, art. 78-6 du code de procédure pénale (CPP)
[10] Articles 78-2 alinéas 8 à 15 du CPP et articles L. 812-1 et L. 812-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
[11] Article 529-4 du CPP
[12] Article 78-3 alinéa 1 du CPP
[13] Cons. const. 15 octobre 2021, Société Air France, n° 2021-940 QPC, cons. 15
[14] Article L. 320-7 du code la sécurité intérieure (CSI)
[15] Interdiction volontaire, à la demande de l'intéressé sur le fondement de l’arrêté du 29 avril 2021, NOR : INTD2112618A ou interdiction imposée par l’administration sur le fondement de l’article L. 320-9-1 du CSI
[16] Voir loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, article L. 3136-1 du code de la santé publique, loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire
[17] https://defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/defenseur_des_droits_-_avis_22-01_0.pdf
[18] Cons. const., 5 août 1993, Loi relative aux contrôles et vérifications d'identité, n° 93-323 DC, cons. 9
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