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samydjemaoun

Titre de séjour provisoire obtenu en référé : un nouveau levier juridique pour les étrangers

J'ai obtenu pour mes client(e)s, dans trois affaires distinctes en référé suspension, la délivrance de titres de séjour à titre provisoire. Ces ordonnances illustrent un levier juridique puissant pour protéger les droits des étrangers face à certaines pratiques préfectorales.


Bien que le juge des référés ne puisse ordonner que des mesures provisoires, et que la délivrance d’un titre de séjour ne soit pas en principe une mesure provisoire, un tel titre peut être retiré si l’instruction révèle que la personne ne remplissait pas, ou ne remplit plus, les conditions requises. C'est cela qui justifie le caractère “provisoire” du titre de séjour.


Cette solution fait gagner du temps à tout le monde : à la personne qui le sollicite, au juge, et à la préfecture. C'est en quelque sorte une bonne administration de la justice.


La délivrance d'un titre de séjour à titre provisoire est étroitement lié aux moyens retenus par le juge des référés du nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision.


Dans les deux premières affaires, il s’agissait de demandes de renouvellement de titre de séjour. La troisième concernait une première demande de carte de résident en qualité de parent d’enfant réfugié.


Dossier n°1 : Titre de séjour à titre provisoire après décision implicite de rejet d'une demande de changement de statut "d'étudiant" vers "vie privée et familiale"


Ma cliente, titulaire d’une carte de séjour pluriannuelle en tant qu’étudiante, avait sollicité un changement de statut vers un titre de séjour « vie privée et familiale ». Une décision implicite de rejet était intervenue.


Elle est diplômée en architecture et mère d’un enfant né en France en 2023, accueilli en crèche. Le père de l’enfant ainsi que plusieurs membres de sa famille résident régulièrement en France.


La juge des référés a estimé que :


  • "eu égard à la durée de la présence en France de Mme X, à ses conditions de séjour, à son cursus universitaire et à l’intensité de ses liens familiaux, le moyen tiré de l’atteinte disproportionnée du refus de séjour contesté à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels la décision a été prise, est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée."


Il a donc enjoint la délivrance d’un titre provisoire :


  • "Eu égard au motif retenu pour la suspension de l’exécution de la décision en litige, il y a lieu d’enjoindre au préfet de police, sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer provisoirement à Mme X, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de la décision contestée, un titre de séjour mention « vie privée et familiale » dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte."


La raison de la délivrance d'un titre de séjour à titre provisoire tient à la nature du titre et au moyen ayant donné lieu à la suspension de la décision : l’atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.


Dossier n°2 : Titre de séjour à titre provisoire après clôture d'une demande de changement de statut d'étudiant vers "recherche d'emploi ou création d'entreprise "


Mon client avait déposé une demande de renouvellement avec un changement de statut pour une carte de séjour « recherche d’emploi ou création d’entreprise ». La préfète du Val-de-Marne avait clôturé au motif qu'il manquait la demande d'une autorisation de travail et la "lettre de changement de statut".


Le juge des référés constate que :


  • "Il ressort des pièces du dossier que, à la date où M. C a déposé sa demande de renouvellement de son titre de séjour, il était encore étudiant en alternance auprès de l'Institut supérieur du commerce de Paris et a donc produit, comme il y était tenu par le point 26 de l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ensemble des pièces nécessaires à l'examen de sa demande. Il n'est pas contesté par la préfète du Val-de-Marne que cette demande comportait également une demande de délivrance d'une carte de séjour d'un an portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", son diplôme devant lui être délivré en décembre 2024 et l'entreprise auprès de laquelle il effectuait son alternance se proposant de l'engager à l'issue de celle-ci. 9. Il ne ressort par ailleurs d'aucune disposition législative ou réglementaire, et notamment pas du point 26 de l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " nécessite la production par le demandeur d'une autorisation de travail. La préfète du Val-de-Marne ne saurait donc soutenir que le dossier présenté par M. C aurait été incomplet au motif qu'il n'aurait pas comporté une telle autorisation ni de " lettre de changement de statut ", une telle lettre n'étant pas non plus au nombre des pièces exigées par l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.


Il enjoint ensuite la délivrance d'un titre de séjour à titre provisoire, sous astreinte de 50€ par jour de retard.


De nouveau, la nature du titre (plein droit) et le motif de la suspension (l'erreur de droit commise par la préfète) ont justifié la délivrance d'un titre de séjour à titre provisoire.


Dossier 3 : Titre de séjour à titre provisoire après refus implicite d'une demande de première demande de carte de résident en qualité de parent d'enfant réfugié.


Ma cliente, mère d’une enfant reconnue réfugiée, avait déposé une demande de carte de résident, rejetée implicitement.


Je conteste pour les intérêts de ma cliente un tel refus. Au titre de l'urgence, le juge des référés relève que :


  • "En l’espèce, Mme Y. demande la suspension de l’exécution de la décision implicite par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer une carte de résident en qualité de parent d’enfant réfugié. L’urgence doit donc être présumée. La circonstance qu’elle aurait été convoquée le 5 décembre 2024, « en vue d’obtenir un récépissé de demande de carte de séjour et déposer son dossier administratif », dossier qu’elle a déjà déposé trois fois aussi bien sur la plateforme de l’Administration numérique pour les étrangers en France qu’en préfecture, ne remet pas en cause cette situation d’urgence dès lors que la requérante, qui a deux enfants en bas âge à charge, est maintenue dans une situation précaire alors qu’elle a pleinement droit à un titre de séjour.


    Par suite, l’exception aux fins de non-lieu du préfet du Val-de-Marne, qui ne démontre au demeurant même pas, plus de dix jours après la convocation alléguée, avoir délivré le récépissé mentionné dans celle-ci, ne pourra également qu’être écartée."

 

Sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision, il juge que :


  • "Il est constant que Mme Y. est la mère d’une enfant, née le 11 mai 2021 à Eaubonne (Val d’Oise), qui a été reconnue réfugiée. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que le moyen tiré de ce que le préfet du Val-de-Marne a implicitement rejeté sa demande de délivrance d’une carte de résident présentée les 28 février et 5 septembre 2023 ainsi que le 29 février 2024 sur le fondement de l’article L. 424-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, a entaché sa décision d’une erreur de droit est de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité. 11. Par suite, les deux conditions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative étant satisfaites, Mme Y est fondée à demander la suspension de l’exécution de la décision contestée."


La délivrance d'un titre de séjour à titre provisoire permet ainsi :


  • à la personne d'être munie d'un titre de séjour avec tous les droits qui y sont attachés

  • d'éviter un "réexamen de sa situation" (il s'agit en réalité souvent d'un premier examen) qui conduit souvent à aucun (ré)examen

  • d'éviter d'aller plusieurs fois devant le même juge pour la même affaire car la préfecture n'aura pas "(ré)examiner"


Dossier n°1 : TA Paris, réf., 19 juillet 2024, n°2419206

Dossier n°2 : TA Melun, réf., 14 octobre 2024, n°2411748

Dossier n°3 : TA Paris, réf., 17 décembre 2024, n°2414317


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